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Des poissons dans la mare

 

Auteur :Jérome Baveux accueil

Souvent délaissés au profit des autres groupes vivants, les poissons sont pourtant bien présents dans nos milieux aquatiques. Même un petit plan d’eau peut en abriter, mais à certaines conditions. Quand au gestionnaire de milieux naturels, c’est à la manière douce qu’il faudra se référer afin de garantir l’équilibre de l’écosystème.


L’intérêt de ces bêtes à écailles

Le poisson sauvage, reconnaissons-le, n’est pas facile à admirer sauf lorsque l’on est pêcheur ou scientifique. C’est pourquoi leur observation est souvent délaissée au profit de celle des amphibiens, des oiseaux et des plantes. Mais c’est un grand tort que de placer ces organismes au rebut. Les poissons représentent un des groupes les plus diversifié d’êtres vivants, et étonneront ceux qui les approcheront par leur variété et leurs comportements.

Maillons supérieurs de la chaîne écologique si l’on s’en tient au milieu aquatique, les poissons jouent un rôle de super-prédateurs. Ils participent activement à l’équilibre d’un écosystème en se nourrissant entre autres des espèces envahissantes. Ainsi la carpe consomme amplement les lentilles d’eau qui recouvre la surface des étangs étouffant le reste du milieu. De même les larves de moustiques, petits vers aquatiques appelés chironomes, sont très recherchés par la plupart des poissons. Ensuite les divers espèces de poissons sont eux-mêmes des proies naturels pour un ensemble d’animaux dits piscivores. Les plus fréquents sont des oiseaux : martin-pêcheur, hérons, cormorans… ou des mammifères : rat musqué, loutre (sic) et l’homme bien sûr.
Mais au-delà ce sont des indicateurs très précis de la qualité d’un milieu. On retrouve là un deuxième groupe d’amateurs, les scientifiques, qui utilisent régulièrement tel ou tel poisson pour apprécier la pollution ou la santé d’un milieu. La présence de poissons est un facteur indispensable pour l’accomplissement d’un milieu aquatique. Il existe cependant quelques conditions indispensables pour que les poissons puisent s’implanter.


Présence de poissons…à quelles conditions ?

Il faut d’abord évoquer l’espace puisque l’on restreint notre sujet aux mares. Un poisson est considéré comme un organisme de grande taille et nécessite à ce titre un espace adéquat. Pas question d’envisager donc la présence de ces animaux dans une flaque. Imaginer pour votre part de passer votre existence dans un placard à balais.

Dans le même ordre d’idée il faut de l’eau, et ce tout au long de l’année. Adieu donc mares provisoires et étangs asséchés tous les ans. La raréfaction, voire disparition, temporaire de l’eau n’est pourtant pas nécessairement une fatalité. La loche d’étang, petit poisson moustachu, est capable lorsque l’eau disparaît de s’enfouir dans la vase et de tomber dans un état léthargique lui permettant de survivre jusqu’à plusieurs mois. Et ce n’est rien comparé aux performances de certains poissons africains équipés de poumons rudimentaires.

Pour accueillir des poissons, un milieu doit être en place et réglé, un peu vieux oserai-je dire. Il ne s’agit pas de confondre une mare avec un bassin d’agrément où l’on aura placé des poissons exotiques (carpe koï, voile-de-chine, poisson rouge…) alimentés quotidiennement par des granulés. Un poisson consomme facilement la moitié de son poids en nourriture chaque jour. Cette richesse trophique du milieu, ou présence et quantité de plantes et de petits animaux, conditionnent l’abondance des poissons. Pourtant plusieurs espèces, comme notre perche zébrée et savoureuse, peuvent s’adapter à la pauvreté d’un milieu en développant une forme de nanisme. Les individus croissent moins vites, sont plus petits et donc ont des besoins nutritionnels réduits.

Enfin les poissons sont des espèces complexes au comportement élaborés. Ils nécessitent certaines spécificités si on veut les voir s’implanter dans une mare plus particulièrement. La quantité d’oxygène disponible, liée directement à la végétation, peut être une limite. Un des moins exigeant à ce propos est la tanche, ce superbe poisson trapu aux couleurs brune et olive. Plusieurs espèces se sont adaptés aux milieux stagnants moins oxygénés et viennent chercher de l’air en surface pour le dissoudre au niveau de leur intestin. On peut citer carpes, carassins, loches et anguilles.


Un peu de gestion piscicole : la voie naturelle

Une règle d’or, ne pas introduire les poissons dans un milieu naturel. La législation française interdit d’ailleurs la détention et le transport de plusieurs espèces sur des critères de périodes de reproduction, de taille minimale (brochet, sandre, truite…) ou s’il s’agit d’espèces invasives (poisson-chat, perche-soleil), ces dernières menaçant leurs congénères, notamment leurs œufs. Ces mesures préservent les cycles de vie des poissons et les équilibres des écosystèmes.
Dans le prolongement de cette idée, ne pas chercher à contrôler les populations d’un milieu, sauf peut être si des espèces reconnues invasives sont implantées. L’alevinage, le réempoissonement, sont des aberrations biologiques et doivent être bannis.
En fait il est compliqué de créer une population équilibrée de poissons. Les instances nationales (comme le Conseil Supérieur de la Pêche) ne sont pas claires. Et la pratique montre que chaque gestionnaire réalise des introductions de poissons à sa sauce. Nombre d’associations de pêche ont ainsi compromis l’avenir des populations de poissons autochtones en introduisant des espèces importées qui entre alors en compétition pour les ressources ou mangent les œufs des poissons présents. On peut citer en eau close le cas de la carpe amour dont l’intérêt réside dans son régime herbivore. Certes l’espèce est intéressante pour lutter contre la prolifération des végétaux aquatiques, mais elle ne se reproduit pas dans nos milieux. Sa présence devient donc rapidement conditionnée par des introductions annuelles, au détriment des autres espèces.
Par ailleurs les introductions de poissons de pisciculture posent des problèmes de pollutions génétiques et des problèmes sanitaires, le cortège des parasites accompagnant les poissons d’élevage.
Ces opérations sont par essence antinaturelles et nuisibles à l’implantation de poissons sauvages en bonne santé et en équilibre avec leur écosystème.

En plan d’eau privé, le propriétaire est libre de ses mouvements. Libre à lui de ne pas transformer son milieu aquatique en zone de production piscicole s’éloignant autant d’un milieu naturel que l’est un champ de blé par exemple. Je ne saurais que trop conseiller d’attendre que le milieu soit stable avant de penser aux poissons, la présence d’invertébrés aquatiques et de plantes étant indispensables. De plus il faut absolument privilégier les poissons locaux, bannir les espèces exotiques et les individus issus de pisciculture. Une mare n’est jamais mieux alimenté qu’avec des individus provenant d’une mare voisine ou de la rivière proche. Pour ceux qui ont la patience et le bon sens d’attendre, il faut savoir que les poissons coloniseront naturellement le nouveau milieu aquatique, en empruntant des voies méconnues mais naturelles (on évoque des oiseaux transportant des œufs accrochés à leurs pattes).

Il reste comme souvent à laisser faire la nature qui sait s’organiser et s’épanouir sans l’intervention humaine. L’homme lui n’aura qu’à s’imprégner du mystère des milieux aquatiques et des passionnants organismes qui les peuplent, en toute humilité.


Lien
Depuis 2001, le groupe mare constitue au niveau régional un réseau informel d’acteurs concernés par la mare. La Fédération Nord Nature en est membre. Le site internet du groupe mare regroupe l’actualité du sujet, la feuille de liaison et plusieurs documents téléchargeables.
www.groupemaresnpdc.org

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