Bulletin
trimestriel |
Quel point concerne à la fois certains sites industriels,
les réserves naturelles, les parcs urbains et les jardins privés
? Ce sont tous des espaces verts. Nous imaginons bien que leur fonction est
très différente dans ces multiples contextes. Pourtant l’homme
intervient pour aménager et entretenir ces espaces. Cette intervention
peut être envisagée de manière globale et raisonnée.
En matière de gestion des espaces verts, pour répondre à
la variété des contextes et des objectifs poursuivis, il se développe
depuis quelques années un mode de gestion très adapté :
la gestion différenciée appelée également raisonnée,
raisonnable, harmonique…
La gestion différenciée d’un site induit la mise en place
d’un ensemble de modes de gestion adaptés à chaque espace
ou micro-espace. Il s’agit de définir le rôle souhaité
pour les différents éléments naturels (pool de nature pour
la biodiversité, paysager pour l’intégration dans le voisinage,
horticole pour le côté esthétique, tel usage pour la population…),
et de mettre en place les techniques les plus appropriées par rapport
aux moyens et contraintes du gestionnaire, ces différents espaces se
côtoyant au sein d’un même site *our augmenter son intérêt.
Un projet réussi de gestion différenciée comprend des conditions
indispensables. Il faut d’abord une bonne connaissance des milieux et
de leur potentialité ainsi qu’une formation adéquate des
gestionnaires et agents techniques. Voilà pour la partie technique. D’autre
part le projet nécessite d’être investi par la population
locale et également par les élus.
Les principes de la gestion différenciée des espaces verts tendent
à promouvoir le retour des pratiques plus adaptées et respectueuses
des espaces de nature, et à permettre l’évolution spontanée
des milieux (vocation humide, prairiale, forestière…). L’harmonie,
la diversité et l’équilibre écologique sont privilégiés
par rapport à l’aspect de jardin bien ordonné mais pauvre
en espèces et artificiel. Elle bannit autant que possible l’utilisation
de produits chimiques, pesticides ou engrais, au profit d’un entretien
doux et écologique.
La gestion différenciée favorise généralement les
milieux pauvres en nutriments, les plus intéressants écologiquement.
Ce sont également des milieux peu contraignants et parfois moins coûteux
à l’entretien.
Le résultat visé est une mosaïque de milieux plus riches
en espèces animales et végétales locales, plus équilibrés
en biodiversité, plus résistants face aux agressions extérieures,
plus colorés, plus vivants, ne demandant au final qu’une gestion
légère et raisonnable
Nord Nature Environnement, comme d’autres associations impliquées dans la gestion des milieux naturels, est de plus en plus appelée pour encadrer des projets ou conseiller des aménageurs d’espaces verts dans une volonté plus écologique. Pour illustrer les principes de la gestion différenciée, je vais développer deux cas pour lesquels nous sommes fréquemment sollicités, le développement d’une prairie fleurie et la création/restauration d’une mare.
Une prairie fleurie pour les papillons
Pour les espaces ouverts, l’enjeu est de proposer une variante aux pelouses,
pratiques pour les jeux de balle et les pique-niques, mais finalement uniformes
et limitées. Au contraire les prairies naturelles sont un bienfait pour
les sens, par
leurs couleurs et leurs odeurs, et de vrais réservoirs de biodiversité.
Seulement il faut vouloir laisser la végétation monter en fleurs
et en graines, et laisser les petites bêtes tranquilles. Trop de monde
ignore encore que si on ne tond pas
l’herbe des pelouses elle donne des fleurs. Une prairie naturelle a besoin
de calme pour que la végétation fleurisse et produise des fruits
qui vont nourrir la faune et enrichir la banque de graines du sol. Mais il faut
veiller à faucher et
exporter l’herbe chaque année pour éviter l’em-broussaillement
du lieu. La relative richesse en nutriments des sites, observée fréquemment,
pose un problème car des plantes opportunistes comme les orties ou les
ronces ont tendance à prendre le dessus sur les autres. Il va souvent
s’agir dans un premier temps d’appauvrir le milieu en matières
organiques.
Concrètement pour la gestion, nous recommandons généralement
deux fauches annuelles, avec export des produits de fauche, pendant les deux
premières années. Le milieu est ainsi appauvri en nutriments.
Par la suite l’entretien consistera en une ou deux fauches annuelles,
toujours avec export
des produits de fauche. L’action la plus naturelle et la moins impactante
pour la faune et la flore est la fauche tardive et fractionnée. Les premières
fauches sont réalisées entre début mars et fin mai. Les
suivantes ne doivent pas être mises en oeuvre avant le 15 juillet. Ainsi
en période printanière les plantes et insectes peuvent réaliser
leur reproduction. La fauche est effectuée idéalement avec une
hauteur de coupe comprise entre 8 et 15 cm et en deux fois :
une première moitié du site une semaine puis l’autre moitié
la semaine suivante. L’herbe coupée est laissée deux ou
trois jours sur place avant d’être ramassée et enlevée
du site pour ne pas enrichir le sol comme engrais. Ces mesures simples sont
destinées à permettre à un maximum d’animaux de survivre
à la fauche. Précisons que ce sont des principes généraux
qu’il faut adapter
au contexte local.
En ville la gestion différenciée se met en œuvre en marge
des espaces régulièrement tondus pour dégager de l’espace
et permettre des activités récréatives. On leur associe
des zones de prairies fournies et fleuries, en bordure des allées ou
sous les arbres par exemple, à vocation esthétique et écologique.
La mosaïque de milieux ainsi obtenue est autrement plus riche et appréciée
qu’un grand espace uniforme.
Une mare naturelle pour récupérer
l’eau
En milieu rural, l’écoulement de l’eau peut être envisagé
par la création de noues qui récupèrent les excédents
(pluies, habitations). C’est l’occa sion d’aménager
un véritable écosystème naturel, la mare. Les mares sont
des atouts indéniables pour un site. Source de biodiversité, support
pédagogique, éponge naturelle et élément esthétique,
la mare remplit de nombreux rôles. Précisons qu’un groupe
de mares constitue un ensemble
bien plus riche et résistant aux perturbations qu’une mare isolée.
Suivant les cas on peut restaurer une mare existante ou en créer une
nouvelle. La période idéa le de travaux est comprise entre septembre
et janvier. La mare idéale possède une dimension de 10 à
20 mètres carrés , peu importe sa forme qui peut être sinueuse,
et une profondeur d’un mètre environ. Les pentes doivent être
douces pour permettre aux amphibiens de la coloniser. Enfin les abords immédiats
doivent être dépourvus d’arbres si possible pour éviter
l’ombre et l’envasement par les feuilles mortes. La colonisation
d’une mare par les plantes et animaux est un phénomène naturel
qui démarre dès le premier printemps. Il ne faut pas chercher
à y introduire des êtres vivants. Cela peut être selon les
cas interdit par la loi et en tous cas dommageable à l’équilibre
écologique. La gestion d’une mare consiste ensuite à faucher
et exporter les plantes aquatiques des abords (roseaux) une fois l’année
à la fin de la belle saison (à partir de septembre), afin d’éviter
l’envasement progressif. Une mare
ainsi constituée n’aura besoin d’être curée
qu’une fois tous les 25 ans environ.
Ces deux exemples doivent nous rassurer. La gestion différenciée
est une autre manière d’aménager les espaces verts, plus
douce et plus écologique. Son intérêt réside bien
là. Ne pas systématiser l’emploi des herbicides, la tonte
hebdomadaire des pelouses, la taille drastique des arbres, en un mot éviter
l’uniformisation du paysage.
L’association Nord Nature Chico Mendes, fédérée
à Nord Nature Environnement, anime la mission gestion différenciée
qui a comme objectif de développer la gestion différenciée
dans la région Nord Pas- de-Calais
http://www.gestiondifferenciee.org
Fédération Nord Nature, 23 rue Gosselet, 59000 LILLE - Tel 03.20.88.49.33 - mail : secretariat@nord-nature.org