Le grignotage des zones naturelles : l'exemple du plateau d'Helfaut

Article de E. Vivier parru dans le bulletin de Nord Nature n°81 en 1995

Le plateau d'Helfaut au Sud-est de St-Omer, était une magnifique zone naturelle.

Oui... était... car il n'en existe plus que 80 % par rapport à ce qu'il a pu être, il n'y a pas si longtemps. De carrières de granulats en dépôts d'ordures ou en aménagements divers, il n'arrête pas d'agoniser.

Aujourd'hui, on se mobilise pour sauver ce qui reste. "On'*... ce sont tous ceux qui sont soucieux de la protection de la nature, de la sauvegarde d'un patrimoine naturel précieux, de la préservation d'un capital de biodiversité pour, assurer un développement durable et pour que les générations futures puissent vivre dans un environnement viable.

Les associations sont au premier rang de la bataille avec de nombreux scientifiques, mais aussi des services administratifs (la DI.R.EN. bien sûr, au premier plan intéressée) et des élus (quelques-uns...) élus écologistes en particulier.

Mais que d'ennemis (qu'on ne citera pas ... ) et que d'indifférents ... !

Ce plateau d'Helfaut est pourtant, dans notre région si maltraitée et si pauvre en milieux naturels, une sorte de monument par sa richesse en flore et faune sauvages, miraculeusement préservé malgré les atteintes déjà portées par les hommes.

Il a été le théâtre, ces derniers temps, suite à des projets et aménagements, de manifestations plus ou moins violentes des écologistes et des associations de protection de la nature que les médias ont abondamment relatées. Les problèmes au début ont été évoqués dans notre bulletin par Nord-Nature St-Omer (Bull. NN, 1990, fasc. 59, p. 18 à 20 et 1992, fasc. 66, p. 25 à 27) ; depuis lors, divers évènements se sont produits qui sont résumés ci-après (voir aussi les articles parus dans Combat Nature, 1995, n* 110, p. 84-85 et n* 111, p. 13-14) :

- Projet de déviation du CD 77 pour relier l'échangeur de ,Thérouanne sur l'A26 à la rocade de StOmer.

- l ère enquête publique en 1989 non acceptée.

- 2ème enquête publique en 1992 avec, cette fois-ci, DUR (oct. 92).

- Opposition vaine des associations et échec de recours au Tribunal administratif, mais appel de la décision auprès de la Cour d'Appel de Nancy

- Entrée en action des engins et début des travaux sur ordre du Président du Conseil Général du Pas-deCalais le 22 mars 1995.

- Manifestation des associations et occupation du terrain face aux bulldozers fin mars 95.

-Armistice signé le 5 avril 1995 entre la Région, la DI.R.EN., le Département du Pas-de-Calais et le Souspréfet de St-Omer (Nord-Nature n'a pas été invitée).

Le chantier va donc continuer et en contrepartie, un arrêté de biotope, préparé par la DI.R.EN. depuis un certain temps, est accepté par le Département. La nouvelle route va ainsi percer par le travers le plateau d'Helfaut avec une tranchée de plus de 10 m de profondeur.

Les risques d'assèchement des mares acides de plateau sont grands : l'eau suinte partout le long de l'entaille. Avec l'eau, c'est la flore et la faune qui sont menacées, une flore et une faune particulièrement riches, surtout dans notre région où industrie et urbanisation ont beaucoup sévi.

C'est que ce plateau d'Helfaut était une zone naturelle remarquable. Bien sûr, il avait été retenu dès 1970 à l'Inventaire des Sites. Il avait été ensuite repris par l'inventaire Z. N. 1. E. F. F dans la catégorie 1. 11 fait partie des zones proposées par la région Nord-Pas-de-Calais au titre du Réseau Natura 2000 en application de la Directive européenne "Habitats" (ce réseau est à l'heure actuelle en cours d'examen parle Ministère pour être présenté ensuite à Bruxelles). Il vient, comme cela a été rappelé plus haut, de bénéficier d'un arrêté de biotope.

Mais...

Quand on examine de près les périmètres de ces différentes et successives zones prises en considération pour une protection éventuelle, on ne peut que constater leur réduction progressive.

C'est le grignotage officiel des zones naturelles qui est ainsi révélé très concrètement. Pour en avoir une idée la plus précise possible, j'ai donc demandé à Gérard Lefebvre (Association Nord-Nature Chico Mendès) de mettre à la même échelle toutes les cartes disponibles correspondant à ces différents statuts (figures 1-2-3-4) (Source DIREN).

Le constat est accablant et troublant.

Troublant... d'abord parce que les délimitations fluctuent beaucoup: certaines parties Z.N.I.E.F.F. ne sont pas reprises au titre de Natura 2000 ou de l'arrêté de biotope, mais aussi parce que certaines zones proposées pour Natura 2000 ou même pour l'arrêté de biotope se trouvent à l'extérieur de la Z.N.I.E.F.F. On doit penser que les conceptions scientifiques et les critères sélectifs ont différé sensiblement d'un système de protection à l'autre

Accablant... c'est lorsqu'on compare les surfaces concernées : elles se réduisent considérablement du statut le plus ancien aux autres plus récents comme l'indique le tableau (ci-dessous).

Ainsi la surface protégée par l'arrêté de biotope de 1995 ne représente que 52 % de la Z.N. I. E. F. F établie dans les années 80, acceptée en 1990 et cartographiée en 1991. Quant aux propositions Natura 2000, qui datent de 1993-94, elles ne sont qu'en examen au ministère... Qu'en resterat-il quand elles seront soumises à Bruxelles ?

Inquiétant enfin quand on constate le morcellement, la fragmentation de la zone naturelle. C'est la continuité biologique qui est en cause, c'est le corridor de biodiversité qui est coupé.

La route est en effet non seulement une rupture majeure dans le concept de continuum écologique, mais c'est aussi en plus une menace pour la sauvegarde de la qualité du biotope ; en effet, la construction de la route a entraîné, dans ce milieu dont l'acidité naturelle fait l'originalité un apport important de chaux qui, officiellement, est inférieur à 11 kg par m2, mais qui, en certains endroits, dépasse 13 kg par M2 . D'où les dangers de banalisation de la flore et de la faune et, en tous cas, l'élimination de la flore calcifuge dans toute la zone touchée par l'aménagement.

Les Landes de Blendecques, les richesses naturelles du plateau d'Helfaut sont en danger. Un monument naturel est menacé. Il va falloir, chez ceux qui ont la responsabilité de la gestion de ce qui reste, une haute, une très haute conscience écologique accompagnée des moyens adéquats.

Faut-il être sceptiques ou méfiants ? Rendez-vous dans quelques années...

Fédération Nord Nature, 23 rue Gosselet, 59000 LILLE - Tel 03.20.88.49.33 -  Fax 03.20.97.73.81 - mail : secretariat@nord-nature.org