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La migration des oiseaux | ||||
Auteur : Julie Marion, Nord Nature | accueil |
Le
dictionnaire définit le mot « Migration » par « Déplacement
d’ordinaire périodique qu’accomplissent certaines espèces
animales (oiseaux, poissons…) ».
La migration correspond à des déplacements en général
saisonniers et régulés sur une année, qui conduisent un
animal à quitter une région pour y revenir plus tard. De façon
générale, certains oiseaux quittent la région ou ils se
sont reproduits à l’occasion de la migration post-nuptiale. Une
fois l’hiver fini les oiseaux reprennent leur route vers les zones de
reproduction. Cette migration est dite pré-nuptiale. Les migrations post-nuptiales
sont plus impressionnantes car elles sont moins distillées dans le temps
et les individus sont plus nombreux. L’ensemble des jeunes de l’année
y participe, alors qu’une partie d’entre eux seulement remontera
au printemps suivant.
Le phénomène des migrations est observé depuis l’antiquité. Linné pensait que les Hirondelles passaient l’hiver serrées les unes contre les autres dans la vase des étangs. En fait elles forment des dortoirs, elles se regroupent au-dessus des roselières à la tombée du jour et se précipitent toutes ensembles pour passer la nuit dans les roseaux. Au petit matin elles repartent sans qu’on ne les remarquent. Cette caractéristique est probablement à l’origine de l’hypothèse de l’hibernation des hirondelles. Celle-ci a été révolue avec le développement des sciences et des grands voyages au XVIIIe siècle, le phénomène de la migration a alors pu être décrit.
Pourquoi les migrations ?
Il existe diverses hypothèses quant à l’origine des migrations.
A l’origine
des temps les glaciations seraient une première hypothèse expliquant
pour partie le schéma migratoire. L’alternance des épisodes
glaciaires, dont le dernier débuta il y a 70 000 ans pour se terminer
il y a 15 000 ans, et des périodes plus tempérées aurait
joué un rôle important dans l’organisation des phénomènes
migratoires. Progressivement repoussées vers le sud, les espèces
ont découvert de nouveaux territoires et s’y sont adaptées.
Les espèces qui auraient préféré lutter contre des
conditions trop difficiles ont dû être décimées. Lors
du recul des calottes glacières, les oiseaux ont pu remonter vers le
nord sur des terres rendues libres et dépourvues de compétiteurs.
Le schéma des migrations telles que nous les connaissons aujourd’hui
a pu être en partie initié par ce phénomène.
Sans remonter à des origines aussi lointaines, il existe d’autres éléments de réponses à la question « Pourquoi les oiseaux migrent-ils ? ».
Les raisons fondamentales qui poussent les oiseaux à se déplacer sont la nécessité de s’adapter aux disponibilités alimentaires locales qui fluctuent énormément avec les saisons. La dégradation des conditions climatiques et la diminution des ressources en nourriture entraînent la fuite des oiseaux. Dans les pays à climat tempéré la nourriture, abondante en été et à l'automne, a tendance à se raréfier en hiver. De plus, les journées étant plus courtes, les oiseaux ont moins de temps pour en trouver. Ce problème est d’autant plus important dans les régions de haute latitude en Europe, où les ressources diminuent de façon importante en hiver. Les oiseaux vont donc chercher leur nourriture ailleurs, dans des contrées plus clémentes.
L’horloge interne est une autre explication des migrations : les hirondelles quittent les sites de reproduction quand elles ne trouvent plus de nourriture mais les martinets partent alors qu’il fait encore beau et que les insectes sont encore très nombreux. Autre exemple : les jeunes de l’année chez différentes espèces partent séparément des adultes. Le départ dans ces deux cas est pour partie inné et lié aux rythmes circadien et annuel. Les oiseaux sont dotés d’un système complexe qui, via les glandes endocriniennes, organise la vie de l’individu. Cela dirige non seulement la migration mais aussi la reproduction, la mue… Ce phénomène est entre autre lié à la perception de la durée du jour et donc à la quantité de lumière dont peuvent profiter les oiseaux.
Les migrations sont initiées par un ou plusieurs facteurs déclanchants qui diffèrent selon les espèces et qui présentent une multitude de variables. Il n’y a donc pas d’« explication standard ». Diverses raisons ont donc pu être identifiées quant au pourquoi de la migration, mais il reste une grande part de mystère.
Les modalités de départ et réserves énergétiques
La motivation
des migrations est annoncée par la formation de réserve de graisse
qui serviront à fournir l’énergie nécessaire au parcours.
En effet pour préparer leur voyage, les oiseaux accumulent une grosse
quantité d’énergie sous forme de graisse sous cutanée.
Avant le départ, ils passent beaucoup de temps à se nourrir afin
d’accumuler les lipides nécéssaires pour la première
étape de la migration. Certains individus vont jusqu’à doubler
leur poids ! Cette capacité d’accumulation d’énergie
est une des adaptations physiologiques spécifiques de l’oiseau.
La graisse s'amoncelle dans la cavité abdominale, depuis la fosse claviculaire
jusqu’aux flancs de l’oiseau quand celui-ci est très gras.
Elle se place juste sous la peau de l’abdomen et se voit par transparence
tellement la peau est fine – finesse de peau qui représente une
autre adaptation spécifique de l’oiseau pour le vol car elle représente
un gain de poids. Les lipides produisent 6 fois plus d’énergie
que les glucides ; si la même quantité d’énergie devait
être stockée sous forme de glucides le poids des réserves
empêcherait l’oiseau de s’envoler.
Les capacités d’accumulation sont telles que l’oiseau peut
augmenter son poids de 20 à 50 % en 8 jours. Ces réserves seront
brûlées au fil de la migration. Elles doivent permettre un long
voyage sans escale - les oiseaux qui vont traverser la Méditerranée
devront faire environ 600 Km sans s’arrêter. Par ailleurs les réserves
doivent être suffisantes pour permettre à l’oiseau de survivre
au cas ou il serait dévié de sa trajectoire ou encore pour pallier
un défaut d’approvisionnement en nourriture.
Il existe
des espèces qui voyagent seules mais ça n’est pas la majorité,
l’option choisie est en général le groupe. Il paraît
normal que les espèces qui vivent en colonie migrent en groupe mais il
est plus étrange que celles qui vivent isolément se regroupent
pour migrer (oies, canards, limicoles, rapaces comme les milans…). Les
individus se regroupent pour deux raisons différentes :
- soit ils choisissent de migrer en groupe pour garantir une certaine sécurité
vis à vis des prédateurs. La masse impressionne l’ennemi
et le nombre rend le choix de la proie plus difficile.
- soit ils ne se regroupent que parce que les couloirs aériens qu’ils
peuvent utiliser sont petits et peu nombreux (passage d’une mer par exemple).
Ils peuvent aussi se retrouver car ils exploitent les mêmes plans d’eau
au cours de leurs haltes migratoires….
Pourquoi remonter ?
- pour limiter
la concurrence sur les lieux de nidification,
- pour retrouver un environnement favorable à la reproduction,
- pour retrouver des ressources alimentaires qui sont plus abondantes dans les
régions tempérées,
- pour profiter de la durée des jours qui est plus longue,
- pour limiter les phénomènes de prédation…
Tous les oiseaux migrent-ils ?
Face aux
migrations, il existe différents types d’oiseaux :
- les sédentaires,
- les migrateurs partiels,
- les migrateurs vrais.
Certaines espèces d’oiseaux ne migrent pas, elles passent toute l’année au même endroit et sont dites sédentaires. Quand l’hiver approche certaines de ces espèces modifient leur régime alimentaire pour s’adapter au mieux aux conditions climatiques. Dans notre région sont concernés par exemple la Sitelle torchepot, le Bruant jaune, la Chouette hulotte, la Perdrix grise…
Il existe
deux types de migrateurs partiels :
- Soit une partie seulement des populations de l’espèce concernée
migre. Par exemple, en Europe le Moineau domestique est sédentaire alors
qu’en Sibérie il est migrateur et peut parcourir de très
grandes distances. Il arrive dans ce cas que les populations migrantes d’une
espèce donnée présentent des adaptations spécifiques
par rapport aux populations sédentaires comme un allongement de la taille
de leur aile.
- Soit dans une seule population c’est une partie de celle-ci qui va migrer.
Une grande proportion de mâles pourra être sédentaires alors
que beaucoup de femelles et de jeunes vont migrer. Le pinson des arbres et merle
noir, par exemple, entrent dans cette catégorie et sont donc des migrateurs
partiels.
On peut également rencontrer des groupes d’oiseaux dit « erratiques ». Après la reproduction, ils effectuent de courts déplacements sans direction précise au grès des ressources alimentaires. Sont concernés certains fringilles comme le Chardonneret élégant et la Linotte mélodieuse… Certains individus de ces espèces peuvent être totalement sédentaires alors que d’autres migreront.
Parmi les migrateurs vrais se trouvent des espèces de tailles importantes comme les Grues cendrées, les Bondrées apivores… mais aussi des espèces de très petites tailles qui peuvent parcourir un nombre très impressionnant de kilomètres (les pouillots, les fauvettes, le loriot d’Europe par exemple). On trouve ici entre autre les espèce dites « trans-sahariennes » qui nichent en Europe et vont hiverner au sud de l’Afrique.
Les modes de migration
On parle
régulièrement des migrations en vol battu mais il existe d’autres
méthodes de migration :
- La nage (les canards et surtout les pingouins dont les jeunes de l’année
sont encore incapables de voler et qui parcourent à la nage les 1000
Km séparant le Groënland et le Spitzberg du Canada),
- La marche (le Manchot empereur parcourt 150 Km en marchant ou en glissant
sur le ventre, les râles peuvent aussi effectuer de longues marches),
- Le vol à voile (rapaces, cigognes). Les grands rapaces -entre autres-
se servent des courants ascendants pour s’élever et se laissent
glisser sur les vents jusqu’au prochain courant thermique.
Le grand mystère de l’orientation
De nombreuses
expériences ont montré que les oiseaux se dirigent en partie grâce
à la perception du champ magnétique de la Terre.
Des explications sont avancées comme l’orientation par rapport
aux étoiles ou par rapport au soleil. Il semblerait qu’au nid les
jeunes s’imprègnent de la stabilité de l’étoile
polaire et du mouvement des autres étoiles. Durablement mémorisées
ces observations seront autant d’indices pour leur orientation lors des
migrations nocturnes. La position des étoiles permet également
aux oiseaux de corriger les erreurs de trajectoire quand ils sont déroutés.
L’oiseau serait également capable de prendre des points de repères
topographiques qu’il apprendrait au cours du premier voyage et qu’il
n’oublierait plus. Il navigue alors à la vue.
D’autres systèmes s’ajoutent à cela :
- perception de la lumière polarisée,
- sensibilité aux ultrasons (permettant de localiser la mer…),
- certains chercheurs parlent même d’une sensibilité aux
odeurs.
Malgré le caractère inné de ces facultés, les oiseaux migrateurs apprennent par expérience et finissent par se familiariser avec les régions qu'ils survolent.
Pourtant, il reste toujours des mystères comme le coucou qui part vers l’Afrique tropicale une ou plusieurs semaines après ses parents et qui trouve le chemin sans jamais y être allé auparavant…
Les altitudes de vol
Les oiseaux
en général volent à quelques centaines de mètres.
Le gros de la troupe vole (en mode battu) en moyenne de 400 m en journée
jusqu’à 700 voire 900 la nuit. Ces valeurs sont fonction du relief,
de la présence d’eau, du climat, du vent… Si celui-ci est
fort et de face, les oiseaux et surtout les petits descendent presque à
ras du sol. Ces altitudes sont pour le moment des suppositions basées
sur les rares observations chiffrées.
Les avantages de la hauteur :
- température plus faible donc moins de frottements,
- turbulences verticales atténuées,
- moins de prédateurs…
Les oiseaux
recourant au vol battu volent souvent moins haut que ceux qui utilisent le vol
à voile dont l’altitude de vol serait entre 2000 et 6000 m. Ceux-là
utilisent les ascendances thermiques pour planer dans les airs. Une fois au
sommet de l’ascendance l’oiseau entame une trajectoire descendante
dans la direction souhaitée jusqu'à ce qu’il tombe sur une
autre ascendance.
Les records de hauteur :
- 9000 m pour des oies,
- 11000 m pour un vautour.
Les oiseaux supportent les températures d’altitudes et le manque d’oxygène grâce à la composition de leur sang. Celui-ci est pourvu de différentes hémoglobines dont la viscosité et les performances en matière de transport d’oxygène sont variables. Ces oiseaux peuvent ainsi s’adapter à la teneur en oxygène présente dans le milieu dans lequel ils évoluent.
Thierry Tancrez, Oies rieuses.
Les vitesses de déplacements
En moyenne les vitesses de vol pendant les migrations sont comprises entre 30 et 40 km/heure pour des petites espèces et jusqu’à 60 ou 80 pour des espèces plus grandes. Les cygnes ou les oies peuvent atteindre jusqu’à 150 km/h avec des bonnes conditions de météorologie. Les oiseaux volent en général deux à quatre heures par jour. Le record revient à des limicoles qui ont volé pendant quelques centaines d’heures pour traverser l’océan atlantique.
Il
existe deux types de migrateurs : les diurnes et les nocturnes, les
nocturnes étant plus nombreux que les diurnes.
Exclusivement (ou presque) nocturnes :
- Les passereaux insectivores comme les fauvettes, les gobe mouches, les grives,
les rossignols…
- Les limicoles
- Les canards
- Les cailles des blés
- Les coucous gris…
Migrateurs diurnes capables de migrer la nuit :
- Les pipits
- Les alouettes.
Exclusivement (ou presque) diurne :
- Les fringilles (granivores comme les pinsons et les linottes)
- Les hirondelles
- Les grands planeurs qui utilisent les ascendances thermiques.
Les avantages
du déplacement nocturne :
- Gain de temps.
- Les conditions de vol sont meilleures la nuit : une meilleure rentabilité
des efforts entraîne un gain d’énergie.
- Les vents sont moins forts et mieux établis, les turbulences verticales
sont plus faibles.
- L’air est plus frais et donc plus facilement pénétrable.
- Moins d’élévation de température interne et donc
moins de risque de déshydratation.
- Absence a peu près totale de prédateurs.
Les
espaces survolés
Les espèces dites terrestres (grives, tourterelles, cailles…) rechignent
à traverser de grandes étendues d’eau et inversement les
oiseaux marins préfèrent éviter de passer sur des bandes
de terres trop grandes (océanites, puffins…). Chaque espèce
montre des préférences quant à son itinéraire de
migration et au type de milieu qu’elle va survoler. Certaines, moins dépendantes
de leur milieu de vie, vont passer n’importe où, alors que des
espèces comme la grue cendrée ne passeront qu’en des endroits
très localisés : la grue peut traverser le pays en diagonale sur
une étroite bande de 300 Km de large mais en pratique, elle n’utilise
que quelques dizaines de kilomètres.
De même les grands planeurs pour traverser la Méditerranée
et passer de l’Espagne au Maroc vont se concentrer en quelques points
comme le détroit de Gibraltar. L’étendue d’eau à
survoler entre les deux Terres y est réduite au maximum. On observe dans
ces lieux des concentrations phénoménales de migrateurs. De même
certaines îles en Méditerranée présentent un grand
intérêt car elles sont de bonnes étapes migratoires. L’étranglement
entre la Manche et la mer du Nord est également un point de passage important
pour les espèces marines. Dans la région la jetée du Clipon
et le Cap Gris Nez sont des points d’observation très réputés
pour le suivi des migrations.
Les haltes migratoires
Les oiseaux utilisent la graisse qu’ils ont accumulé avant le départ pour fournir les quantités d’énergie nécessaire à leur vol. Une fois les stocks épuisés, ils sont contraints de s’arrêter pour reconstituer leurs réserves. Ils font alors ce qu’on appelle des haltes migratoires. Si des intempéries surviennent pendant les mouvements, les oiseaux peuvent être amenés à se poser en catastrophe, on peut alors croiser certaines espèces dans des milieux qu’elles ne fréquentent pas en temps normal. C’est ainsi que l’on peut croiser une Rousserolle effarvatte en pleine garrigue alors que c’est un oiseau qui vit en temps normal dans les zones humides. Dans ces mêmes conditions les oiseaux sont en général tous bloqués en même temps et souvent au même endroit. Ils vont alors repartir tous ensembles dès que les conditions climatiques le permettront. C’est ainsi que l’on voit arriver des vagues impressionnantes d’oiseaux migrateurs depuis les sites d’observations.
Quand tout
ce passe bien les oiseaux choisissent leur lieu de stationnement. Le baguage
a montré que les migrateurs utilisent les mêmes sites de haltes
migratoires années après années. Les fauvettes paludicoles
vont fréquenter les mêmes roselières tous les ans pendant
leur migration.
Cette caractéristique des oiseaux migrateurs peut leur causer du tort
dans le cas ou le milieu se trouve modifié et le site choisi traditionnellement
détérioré.
Certaines espèces, très dépendantes du milieu dans lequel
elles vivent éprouveront de grandes difficultés si elles sont
amenées à se poser dans un milieu différent. C’est
le cas des marouettes, râles, butors et autres oiseaux adaptés
aux zones humides.
Dans le Nord Pas-de-Calais, les principaux sites de haltes migratoires sont
le platier d’Oye, la baie de Canche et le Cap Gris Nez.
Les sites d’hivernages
Les oiseaux
vont se choisir un site ou ils trouveront de la nourriture pour passer la période
hivernale. Ainsi certains étangs de la région abritent pour l’hiver
de grandes quantités d’oiseaux d’eau.
ex : les grues cendrées au lac du Der. Le Der est le principal site d’hivernage
des grues cendrées (Grus grus) en France. Début octobre, les grues
descendent des pays nordiques pour venir passer l’hiver dans des climats
moins durs. Un bon nombre d’entre-elles choisissent régulièrement
le lac du Der pour passer la mauvaise saison. La migration prénuptiale
débute début février où les grues repartent vers
le nord.
Dans le Nord Pas-de-Calais, les sites d’hivernage les plus importants sont la Baie de Canche et le Platier d’Oye.
Huîtrier pie, Christophe Prangere.
La carte suivante présente les principales voies migratoires de la région
:
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